La stérilisation de la lapine
Mise à jour : 15/07/2017
La stérilisation vous sera certainement conseillée par votre vétérinaire lors du premier bilan que vous réaliserez. Nombreux sont les propriétaires de lapins qui pensent alors que le vétérinaire leur propose une opération de confort dont la lapine pourrait aisément se passer. La stérilisation peut avoir plusieurs indications :
- Prévention de maladies dont les deux plus graves sont les tumeurs de l’utérus et de la chaîne mammaire.
- Suppression des grossesses nerveuses
- Suppression de l’agressivité
- Suppression du marquage de territoire intempestif
- Le désir de ne pas faire de reproduction
Si votre lapine ne présente ni trouble du comportement ni grossesse nerveuse vous pouvez ne pas ressentir le besoin de lui imposer cette intervention dans un seul but de prévention. Ceci est tout à fait compréhensible. En effet, une intervention chirurgicale comporte toujours un risque anesthésique. Il est cependant possible de réduire celui-ci au minimum (autour de 0.2-0.5% d’après ce que nous avons pu constater) en vous adressant à un vétérinaire pour lequel une ovariohystérectomie est une intervention de routine. Ceci vous obligera sans doute à faire un peu de route mais vous aurez l’assurance d’une prise en charge parfaite. En tant que responsable de sauvetages, j'ai surpervisé la stérilisation de nombreuses lapines et nous n’avons jamais eu le moindre incident en dehors d’une reprise du transit un peu lente. Ceci peut tout à fait être anticipé en prévoyant de quoi gaver si besoin.
La prévention des maladies de l’appareil reproducteur est l’une des priorités des vétérinaires soignant des lapines et pour cause, les cancers de l’utérus ou de la chaîne mammaire sont un des motifs de consultation les plus importants après les pathologies digestives et dentaires. En effet, entre 60 et 80% des lapines risquent un jour de développer une tumeur, le risque augmentant proportionnellement à l’âge. Passé 5 ans, il est alors de 80% chez les lapines de compagnie, que celle-ci aient eu des portées ou non. La qualité de l’environnement ou de l’alimentation n’a aucune influence sur ce taux, même les lapines les mieux soignées courent un risque en n’étant pas stérilisées.
La question qui revient le plus est « Pourquoi les lapines de compagnie souffrent-elles aussi souvent de tumeurs de l’utérus ? » Aucune étude ne répond avec certitude à cette question mais la piste la plus généralement admise est que les lapines de compagnie vivent bien plus longtemps que leurs cousines sauvages. Elles peuvent en effet espérer atteindre sans souci l’âge de 10-12 ans quand les lapines de garenne ne peuvent espérer vivre que 18 mois en moyenne. L’augmentation de la durée de vie du lapin de compagnie a provoqué l’apparition de plus en plus de pathologies liées directement à l’âge, les tumeurs de l’utérus et de la chaîne mammaire en font partie même si malheureusement, elles peuvent également concerner des lapines de moins de 2 ans.
Les lapins de garenne sont des proies pour de nombreux prédateurs et doivent pour assurer la survie de la colonie se reproduire à un rythme effréné. Les lapines enchaînent ainsi gestation sur gestation de janvier à août. Chez les lapins, la saison de reproduction donne lieu à une féroce compétition et à une activité hormonale très intense. C’est cette dernière qui serait la cause des tumeurs chez les lapines de compagnie. Celles-ci, du fait de leur mode de vie en intérieur, ne connaissent pas de période de repos hormonal. Elles ne sont en effet soumises à aucun changement climatique qui mettrait leur organisme au repos comme c’est le cas chez le lapin sauvage. Leur organisme est donc soumis à une activité hormonale intense à laquelle s’ajoute une longévité considérablement augmentée ce qui finit par abîmer l’utérus. De plus, l'utérus des lapines de par son anatomie le rend plus vulnérable aux tumeurs, la muqueuse endométriale se chargeant en fibres de collagène au fur et à mesure du vieillissement.
Les tumeurs de l’utérus ne sont malheureusement pas bénignes, même lorsqu'elles ne sont pas cancéreuses. Ce qui signifie qu’elles doivent absolument être retirées ainsi que l’utérus et les ovaires. Cette intervention est suffisante si elle est réalisée de manière précoce mais dans la plupart des cas, la tumeur de l’utérus est déjà métastasée même si cela n’est pas encore visible sur les radios et scanners. Quelques mois plus tard, la lapine peut développer des tumeurs mammaires qu’il faut également retirer le plus rapidement possible. Dans certains cas il peut être nécessaire de retirer toute la chaîne mammaire. Cette intervention ne peut être réalisée en une seule fois car il ne resterait pas suffisamment de peau pour suturer. La lapine subit donc plusieurs interventions pour un résultat parfois nul car les métastases parviennent à atteindre les poumons signant ainsi l’arrêt de mort de la lapine. Dans d’autres cas, on peut espérer gagner quelques mois voire 1 ou 2 ans. La chimiothérapie n’est pas envisageable et la radiothérapie ne donne pas de résultat satisfaisant. C’est pourquoi la stérilisation reste à ce jour la seule solution pour offrir aux lapines la même espérance de vie qu’aux mâles.
Les symptômes sont le plus souvent si discrets que le cancer peut tout a fait passer inaperçu et tuer la lapine sans que rien n’ait pu être entrepris pour la sauver.
L'andénocarcinome est une tumeur cancéreuse au développement lent. Quand les premiers symptômes apparaissent, il est souvent trop tard car des métastases pulmonaires, hépatiques et osseuses peuvent s'être installées.
Les premiers symptômes sont : sang dans les urines, difficultés à la miction qui font penser à une infection urinaire, kystes, écoulement vaginaux. Le traitement d'urgence est une stérilisation (ovariohystérectomie) suivie d'une radiographie pour contrôler l'apparition ou non de métastases. Le pronostic est très réservé.
Dès l'apaprition des premiers symptômes, il est possible de confirmer le diagnostic par imagerie (radiographie ou scanner) puis de réaliser une biopsie qui permettra d'évaluer le degré de dangerosité de la tumeur ainsi que sa propagation vers d'autres organes.
Vous pouvez être tenté d’éviter la chirurgie et de vous tourner vers des méthodes alternatives comme les inhibiteurs d’hormones, la pause d’implant pour furet ou l’homéopathie. Ces méthodes sont avant tout des méthodes de confort ayant pour but de réduire les effets gênants du comportement de reproduction (agressivité, marquage de territoire, excitation permanente, pseudo-gestation). Le traitement homéopathique fonctionne très bien de ce point de vue sur la majorité des lapines, contrairement au traitement chimique, mais il n’a aucune action sur l’activité hormonale et n’offre donc aucune protection contre les tumeurs. C’est donc une solution de confort pour le propriétaire mais pas une alternative à la stérilisation. De plus, ces méthodes n’ont aucune action sur la fertilité et ne peuvent donc pas être utilisées dans un but contraceptif.
Vous pouvez également être tenté de réaliser régulièrement des radios pour éviter la stérilisation tout en vous assurant de détecter une éventuelle tumeur le plus tôt possible. Malheureusement, la radio vous indiquera uniquement que votre lapine n’a pas de cellules cancéreuses visibles, ce qui ne signifiera pas qu’elle n’en aura pas 15 jours ou deux mois plus tard. Là encore, cette méthode ne permet pas une prévention fiable.
Assurer un mode de vie idéal ne protège pas non plus les lapines du cancer de l’utérus. La reproduction n’est pas non plus un mode de prévention. Les lapines ayant eu des portées développent elles aussi des tumeurs de l’utérus et de la chaîne mammaire.
L’ovariohystérectomie est efficace à 100% contre le cancer de l’utérus puisque celui-ci est retiré. En revanche si le vétérinaire ne pratique qu’une ovariectomie (ablation des ovaires), la protection de l’utérus n’est pas assurée à 100%. Le risque est proche de zéro mais pas inexistant car l’utérus laissé en place peut déjà comporter des cellules tumorales indétectables mais qui quelques mois plus tard formeront des tumeurs. La stérilisation n’assure pas non plus de protection à 100% contre les tumeurs mammaires, surtout si la stérilisation est réalisée tardivement, mais elle offre tout de même une excellente couverture.
Au niveau du comportement, la stérilisation apporte également beaucoup de sérénité aux lapines sujettes aux grossesses nerveuses à répétition. Elle supprime également les marquages de territoire intempestifs.
Cependant, le comportement de votre lapine n’est pas seulement le résultat de l’activité de ses ovaires et votre lapine conservera un comportement sexuel. En période de reproduction, elle pourra être légèrement plus excitée mais sans jamais atteindre les pics d’excitation qu’elle connaissait au préalable.
La stérilisation ne supprime que les effets excessifs des hormones sur le lapin de compagnie, elle ne le prive aucunement de son instinct et ne prive d’aucune sensation, le comportement sexuel de la lapine ne pouvant être réduit à l’activité ovarienne. Il est également le fruit d’une activité cérébrale…parfois intense !
Si vous êtes opposé par principe à la stérilisation, ce qui peut tout à fait se comprendre car il s’agit de l’ablation d’un organe en bonne santé, nous ne pouvons que vous conseiller de renoncer à adopter des lapins. En effet, ces derniers ont besoin de vivre avec un congénère, si possible de sexe opposé, et la stérilisation s’impose alors de fait afin d’éviter la reproduction.
Pour en savoir plus sur l'intervention en elle-même, consultez l'article Ovario-hystérectomie de la lapine en images. Attention, cet article est consacré à un acte chirurgical et comporte donc des photographies pouvant heurter les plus sensibles.
Toute stérilisation ou castration peut être suivie de légers saignements dans les 24-48h suivant l'intervention, ça n'a rien d'inquiétant.
Il est capital de surveiller la reprise du transit de votre lapine. Si elle ne s'alimente pas, vous devez la gaver.
LA PATHOLOGIE TUMORALE DES LAGOMORPHES : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE.2011. Page 74.