Habitat du lapin de compagnie, créer un environnement sans stress ni ennui.
06/07/2017
Des siècles de domestication et d’élevage ont fait bien des ravages sur la considération portée aux lapins. Pendant des décennies, personne ou presque ne s’est soucié de leur bien-être. Lorsqu’il s’agit de poser les bases du bien-être animal, il est souvent fait référence aux « 5 libertés » du Farm Animal Welfare Council (Secrétariat pour le bien-être des animaux de ferme) qui sont : l’accès libre à de l’eau fraîche et à une nourriture adaptée en quantité suffisante, l’accès libre à un environnement approprié comprenant un couchage et un abri, l’absence de douleur physique, de maladie ou de blessure, l’accès libre à un espace permettant l’expression du comportement naturel de l’espèce ainsi que l’absence de stress.
Ces principes ont été définis afin d’améliorer les conditions de vie des animaux d’élevage mais, si on les étudie plus précisément, on peut observer que le mode de vie d’un grand nombre de lapins de compagnie ne remplit même pas ces conditions minimales. Quant à ceux qui ont la chance de vivre en liberté, ils ne disposent pas pour autant d’un environnement permettant d’exprimer leur comportement naturel. La liberté étant souvent considérée comme une finalité en soi, on oublie parfois d’autres besoins également essentiels au lapin.
Plusieurs études(1) parues ces dix dernières années démontrent que le bien-être du lapin ne consiste pas uniquement à lui assurer une alimentation correcte et des soins vétérinaires élémentaires. Il est primordial d’enrichir son environnement afin de lui éviter stress et ennui, lesquels sont sources de comportements stéréotypiques, mais aussi de bêtises.
1. Ronger les barreaux, le sol ou les murs
2. Secouer continuellement ses gamelles
3. Se toiletter excessivement jusqu’à s’épiler
4. Alterner des périodes de profonde léthargie et des
périodes de nervosité extrême se manifestant par
des comportements violents ou agressifs
5. Balancer la tête de manière répétitive
6. Rester immobile la tête dans un coin
7. Gratter de façon compulsive
Dans l’imaginaire collectif, le lapin en cage ou en clapier a pris le dessus sur le lapin de garenne bondissant. C’est pourtant à ce dernier que vous devez songer lorsque vous organisez l’environnement de vos lapins de compagnie. Revenons donc tout d’abord aux fondamentaux : l’environnement et le comportement naturel du lapin. Voyons ce qu’ils peuvent nous apprendre et de quelle manière nous pouvons permettre aux lapins d’exprimer leur comportement naturel dans un environnement, certes artificiel, mais adapté à leurs besoins.
L’habitat du lapin en milieu naturel doit répondre à trois critères : une surface herbeuse variée pour s’alimenter, des buissons, des ronces et des plantes pour se cacher et un sol sec pour creuser. Ceci permet de construire un habitat sûr, de se camoufler et de se nourrir sans s’éloigner du terrier. Un promontoire est également apprécié afin de pouvoir observer la totalité du territoire et de prévenir les attaques. Un endroit spécifique sert de latrines près de l’entrée principale. C’est là que les lapins feront leurs besoins ; ils ne salissent jamais l’intérieur du terrier.
Cet environnement, ainsi que son statut d’animal de proie, déterminent ses activités quotidiennes. Le lapin passe la majorité de son temps sous terre à se reposer, se toiletter et interagir avec ses compagnons. Il n’est réellement actif que lorsqu’il sort du terrier. Creuser de nouvelles galeries, se protéger des prédateurs mais aussi d’éventuels rivaux, s’alimenter, surveiller et protéger le territoire, s’occuper de sa famille, sont autant d’occupations qui le maintiennent en alerte, le stimulent et favorisent une dépense d’énergie.
Les conditions de vie du lapin de compagnie sont bien éloignées de celles de son cousin sauvage. Sa survie s’en trouve grandement facilitée : nul besoin de chercher de la nourriture, de se creuser un habitat, ni de se préserver des prédateurs. Elles n’offrent cependant pas que des avantages. Libéré de ces contraintes, le lapin doit faire face à de nouveaux ennemis : l’isolement et l’ennui. Ils peuvent, eux aussi, lui être fatals. En effet, un lapin confiné en cage ou en enclos, nourri avec des aliments industriels, n’ayant ni compagnon, ni divertissements, est exposé à des risques d’obésité, de faiblesses musculaires et osseuses ainsi qu’à l’ennui qui favoriseront l’agressivité, l’anxiété et la frustration. Ceci entraînera immanquablement des comportements stéréotypiques qui sont bien souvent à l’origine des abandons. L’enrichissement de l’environnement et la compagnie d’un ou plusieurs congénères permettent de diminuer le stress ainsi que les comportements néfastes qui en découlent. Il améliore également votre relation avec vos lapins ainsi que leur santé. En effet, les lapins vivant dans un habitat varié sont moins affectés par les éléments extérieurs et moins craintifs, ce qui facilite leur manipulation(1). D’autre part, l’absence de stress a une action bénéfique sur la santé du lapin en le rendant moins vulnérable. Faire de l’exercice, être stimulé et pouvoir interagir avec un ou plusieurs compagnons sont les clefs du bien-être.
Voici quelques pistes pour enrichir l’environnement de vos compagnons de manière simple, rapide, efficace et souvent peu coûteuse.
Le lapin de garenne évolue sur des sols variés : terre, sable, mousse, herbe, roche, graviers, etc. A l’opposé, le lapin de compagnie ne dispose que très rarement d’une alternance de surfaces dures ou souples. Le plus souvent la surface de son territoire est unique : linoléum, parquet, carrelage, béton ou moquette. Aucune de ces surfaces ne peut égaler le confort qu’apporte la terre ou le sable tant au niveau de leur souplesse que de leur température ou des activités qu’elles procurent. En dehors de la moquette, tous ces sols sont durs ce qui n’est pas sans conséquences sur le comportement du lapin ou sur sa santé. Un grand nombre de pododermatites trouvent ainsi leur origine dans la nature du sol. Le linoléum ou les fibres synthétiques peuvent en effet être très irritants pour le dessous des pieds du lapin.
Il est bien sûr impossible de rivaliser avec la richesse d’un sol naturel, mais il est tout à fait envisageable de varier les surfaces et d’offrir plus de confort au lapin. En premier lieu, vous devez évaluer la facilité avec laquelle votre lapin peut marcher et courir sur votre sol. S’il est glissant, cela peut le décourager et il limitera ses déplacements au strict minimum. S’il est peu musclé et peu habitué à faire de l’exercice, il glissera plus facilement, ses pattes s’écarteront sur les côtés, il perdra confiance et retournera se coucher. Si chaque sortie se solde par un échec, le lapin fera de moins en moins de tentatives. Il est donc souhaitable que son territoire soit recouvert d’un tapis lui permettant d’évoluer sans glisser.
Au moment de l’achat, pensez également à la facilité d’entretien, surtout si votre lapin ne maîtrise pas encore toutes les règles du bac à litière. Ne privilégiez pas le confort mais uniquement l’aspect non glissant, il sera toujours possible d’ajouter un mini tapis douillet dans le coin repos. Un tapis a également l’avantage de délimiter précisément le territoire du lapin vivant en liberté. Un territoire clairement défini lui permet de ne pas se sentir perdu et de savoir où se trouve précisément son « chez lui ». Sans zone bien délimitée, il est plus difficile d’apaiser ou d’éduquer les lapins les plus sensibles. Une fois le tapis en place, vous pouvez songer à l’aménagement de l’habitat de vos lapins.
Lorsqu’on observe le territoire des lapins de garenne, on remarque de multiples entrées de terriers. Il y règne une impression de chaos et d’improvisation. Tout au long de l’année, les lapins s’activent pour améliorer leur habitat. Un simple terrier devient rapidement un réseau complexe de galeries et de chambres dans lesquelles les occupants migrent au gré de leurs occupations et affinités. L’habitat est non seulement un espace de sécurité et de repos mais aussi une grande source d’activités : creuser et déblayer la terre, ronger les racines qui gênent la progression des galeries, entrer et sortir par divers points d’accès… Tout ceci est impossible pour le lapin vivant en milieu artificiel. Une cage, un clapier ou une simple cabane offrent un abri mais aucune activité ni distraction. Il faut donc l’enrichir. Quel que soit l’habitat utilisé, l’expérience montre que les lapins apprécient d’avoir au moins 3 entrées. Certains aiment également disposer de plusieurs « pièces » afin de pouvoir faire chambre à part si besoin. La possibilité de s’isoler limite les frictions entre lapins et diminue le stress. Les lapins profiteront d’avantage des moments de complicité et des siestes communes s’ils ont l’opportunité de prendre de la distance de temps à autre. L’habitat peut comprendre un étage, mais un promontoire extérieur à l’abri est tout aussi apprécié. Les lapins affectionnent d’être en contact direct avec le sol du logement ou avec le tapis et cherchent souvent à creuser le sol en carton, en plastique ou en bois de leur cabane. Inutile donc de prévoir un sol à votre construction. Contentez-vous de disposer un petit tapis confortable dans le coin repos et laissez le reste tel quel. Si vos lapins vivent en liberté totale, un habitat en carton convient parfaitement, à condition que vos lapins n’en ingèrent pas trop. L’habitat en carton comporte de nombreux avantages. Peu coûteux et malléable, il autorise toutes les fantaisies : cabanes, étages, escaliers et tunnels, mais surtout, il permet aux lapins de réaliser de nombreux travaux de customisation : destruction des cloisons inutiles, élargissement des entrées, ajout d’ouvertures...Voilà qui leur permet de s’amuser, de se défouler et de laisser libre cours à leur créativité débordante. Vous pourrez tirer des enseignements des aménagements réalisés par les occupants des lieux afin d’améliorer les constructions suivantes. Il ne reste plus qu’à équiper le territoire d’accessoires pratiques, ludiques et stimulants !
L’idéal pour le lapin de compagnie est de pouvoir grignoter tout en faisant ses besoins. Placez le foin au dessus du bac ou, si ce dernier est très spacieux, à l’une de ses extrémités. Plus le bac sera grand et facilement accessible, plus le lapin appréciera d’y passer du temps. Au contraire, si le bac est petit et d’accès difficile, ce sera une source de stress pour votre lapin qui hésitera à y aller, se retiendra et pourra développer des pathologies urinaires.
La recherche de nourriture est une activité importante, mais aussi agréable et stimulante pour les lapins. Les sens sont en éveil : on hume pour repérer les meilleurs végétaux, on observe et on écoute pour éviter les prédateurs. Le lapin de compagnie n’a encore trop souvent à sa disposition qu’une gamelle et quelques granulés. Ceci rend le repas on ne peut plus ennuyeux et n’est pas sans conséquences sur la santé. Offrir une alimentation naturelle ouvre de plus agréables perspectives : le lapin fouille dans sa gamelle pour trouver le feuillage le plus savoureux ou la rondelle cachée bien au fond, les odeurs, les textures et les saveurs sont variées, ce qui rend le repas plus excitant. Il est possible d’en faire un moment encore plus stimulant en suspendant quelques feuillages en hauteur pour obliger le petit gourmand à se lever, en utilisant un arbre à friandises ou une balle distributrice ou tout simplement en disposant quelques végétaux particulièrement appréciés dans des cachettes. En parcourant son territoire, le lapin trouvera ces mets succulents ce qui ne manquera pas de le réjouir et de le motiver. Le repas peut être source de stress si vous avez plusieurs lapins. En cas de tension, n’hésitez pas à proposer le repas dans des gamelles séparées. La multiplication des points de distribution permet d’apaiser les rivalités. Un foin de qualité doit être disponible toute la journée. Le lapin doit pouvoir manger son foin dès qu’il en a envie, même quelques brins. S’il ne reçoit pas une quantité suffisante de foin, il se tournera vers des substituts : tapis en laine, plaid, carton, bois, ce qui sera néfaste à sa santé aussi bien qu’à votre mobilier. N’oubliez pas non plus de laisser à disposition une gamelle d’eau fraîche. Le manque d’eau est une source de stress chez le lapin et peut entraîner une anorexie.
Vos lapins disposent de tout le confort moderne, ils risquent malgré tout de s’ennuyer si vous ne leur offrez pas quelques stimulations supplémentaires. Vous devez ajouter des accessoires qui leur permettront de se cacher, de ramper, de sauter, d’escalader : tunnels, promontoires, arbres à chats ou cachettes. Agrémentez le tout de quelques jouets : balles végétales, rouleaux en carton, paniers... Tous les accessoires doivent pouvoir être rongés sans danger. Votre lapin pourra ainsi gratter, creuser, arracher, jeter en l’air et ronger sans se faire gronder. Un carton rempli de boules de papier, de chiffons et d’objets à ronger est une formidable salle de jeu.
Pour augmenter la stimulation, n’hésitez pas à ajouter ou supprimer quelques éléments tous les 15 jours environ. Un environnement riche mais statique finit par être ennuyeux. Il est préférable de proposer les jouets par roulement. Vous serez surpris de constater qu’un jouet qui n’ a jamais intéressé provoque soudain de l’intérêt s’il a été supprimé 15 jours puis déposé à un autre endroit. Ne proposez pas trop de choses à la fois, trop de stimulations lasse et conduit également à l’ennui. Les lapins, très curieux denature, adorent également vous suivre dans vos activités. Si ça ne pose pas de problème de sécurité, laissez-les vous observer et participer à leur manière. Si vous êtes un peu bricoleur ou avez l’âme d’un inventeur, n’hésitez pas à proposer à vos lapins des casse-têtes ou jeux d’éveil. Adaptez le jeu aux facultés de votre lapin. S’il n’aime pas sauter, inutile de placer toutes les activités en hauteur. Il n’en profitera pas et se lassera. Certains lapins aiment arracher et détruire, d’autres aiment chercher des surprises, il faut offrir aux lapins des activités adaptées à ces besoins.
En proposant un environnement adapté et des activités variées et ludiques, votre lapin sera plus équilibré et vivant. Ce qui en fera un compagnon encore plus agréable et attachant.
Références :
(1) L.T. Hansen, H. Berthelsen, The effect of environmental enrichment on the behaviour of caged rabbits (Oryctolagus Cuniculus) , Applied Animal Behaviour
Science 68, 2000.
Effect of housing and environmental enrichment on performance and behaviour
in fattening rabbits, Proceedings - 8th World Rabbit Congress, Puebla, Mexico,
September 7-10, 2004.
Effect of environmental enrichment and group size on behaviour and production
in fattening rabbits, 9th World Rabbit Congress, Verona, Italy, June 10-13, 2008