Du lapin des champs au lapin urbain
Mise à jour : 20/07/2017
Pour comprendre les bases sur lesquelles repose le bien-être du lapin, il faut prendre comme modèle le lapin de garenne. On considère trop souvent que le lapin de compagnie n'a rien à voir avec son cousin sauvage. Ce n'est pas parce qu'il est plus petit, ou qu'il a les oreilles tombantes, qu'il n'a pas les mêmes besoins fondamentaux. L'élevage et la sélection n'ont modifié que la taille des oreilles, la longueur du poil ou la couleur de la fourrure. Ils n'ont pas modifié les besoins physiologiques du lapin. Des études scientifiques ont démontré que des lapins de laboratoire, d'élevage, de compagnie ou de garenne se comportaient exactement de la même manière si on les mettait dans des situations identiques (1).
Le lapin de garenne vit en société, dans des terriers, à l'extérieur, se repose et mange une bonne partie de la journée, passe le reste du temps à grignoter, bondir, courir, interagir avec ses congénères, marque énormément son territoire et fait beaucoup d'exercice. En imposant à un lapin la vie en intérieur, on l'oblige à s'adapter à un nouveau mode de vie qui ne convient pas forcément à son métabolisme. Ceci provoque une bonne partie des pathologies rencontrées chez les lapins de compagnie.
Peu d’ouvrages sont consacrés au lapin de garenne en dehors des ouvrages de chasseurs ; c’est un animal jugé peu intéressant, une sorte de garde-manger sur pattes, incapable d’intelligence. Un seul ouvrage fait référence dans ce domaine : The Private Life of the Rabbit du naturaliste britannique Ronald Mathias Lockley. R.M. Lockley a étudié l’habitat, le comportement, les relations sociales d’un groupe de lapins dont chaque membre était identifié : Big Boss, Beatrix, Brow Boy, Caroline, Charity etc. Ce livre sert toujours de base aux travaux des naturalistes, comportementalistes et vétérinaires spécialistes du lapin dans les pays anglo-saxons.
En observant et étudiant le lapin de garenne, on comprend enfin que les comportements que nous jugions impropres, néfastes, horripilants, destructeurs, haineux ou agressifs ne sont que des expressions du comportement naturel du lapin. Pour solutionner ce que nous considérons trop souvent comme un « trouble du comportement » il suffit bien souvent de le comprendre et d’apporter des corrections à l’environnement du lapin.
Comme il ne nous a pas été possible d'observer jour et nuit des lapins de garenne pendant une longue période, cet article n'est pas seulement le fruit de notre expérience, nous avons vérifié nos informations et comparé nos observations ponctuelles avec nos lectures et recherches. Nos observations ont été réalisées sur des îles bretonnes : Arz(56), île aux moines (56), île aux moines (l'archipel des Sept-Iles-22), Ouessant(29), Houat(56), Hoëdic(56).
Le lapin de garenne est en fait un lapin européen, Oryctolagus cuniculus. Il est assez petit, il se rapproche plus de la taille des lapins de compagnie hybrides que de celle des lapins de ferme. Il pèse de 1.1 à 2.5 kg (moyenne 1.3 kg) et mesure 34 à 50 cm de long (de la tête à la queue). Sa fourrure est caractéristique : le ventre et la queue sont blancs alors que le reste varie du gris/brun au gris foncé/noir. Il a une tache rousse sur le dos. Rien en dehors de sa couleur ou de la forme de sa tête ne différencie un lapin de garenne d’un lapin de compagnie.
Seules quelques caractéristiques esthétiques ont été modifiées au fil des siècles pour créer diverses races domestiques ; le nombre de dents ou le fonctionnement du système digestif restent les mêmes. Son espérance de vie est estimée à 8 à 10 ans mais ne dépasse généralement pas 2 à 3 ans du fait des maladies, des prédateurs et de la chasse. Sur le territoire observé par R.M. Lockley (2) l'âge moyen constaté était de 19 mois.
Le lapin de garenne vit en communauté sur un territoire dont la surface vitale peut varier de 1600 à 6700 m2 (3) soit l’équivalent d’au minimum 6 terrains de tennis et au maximum 1 terrain de football . Ce territoire peut parfois s’étendre sur 3 à 4 ha mais les lapins s’éloignent rarement de plus de 200-800 m de leur terrier. 80% des lapins ne s'éloignent pas de plus de 250-300 m de leur terrier, seuls 2 à 3% dépassent 1-2 km. Le lapin de garenne est sédentaire, son territoire restera le même tout au long de sa vie. Il subit donc peu de variations de température, d’humidité, de végétation, de bruits ou de prédateurs. Le lapin de garenne parcourt ce territoire pour effectuer un marquage et chercher sa nourriture mais ne s’éloigne généralement pas beaucoup de son terrier. Pendant la saison de reproduction, il n’est cependant pas rare que des mâles célibataires errent seuls sur le territoire, après avoir été chassés de la garenne par le mâle dominant. C’est le cas des mâles adolescents mais aussi du Roi déchu. Les mâles dominants peuvent explorer d’autres territoires, ils ne restent pas cantonnés au leur. Une partie du territoire est recouverte d’herbes hautes ou de ronces afin de camoufler les entrées principales de la garenne et d’en rendre l’accès difficile aux prédateurs et aux hommes mais la végétation à proximité des terriers est toujours rase car constamment rongée.
Le territoire est balisé par des dépôts de crottes dures semblables à celles du lapin domestique, d’un diamètre de 0.7 à 1 cm. Elles peuvent être déposées de manière groupée, il s’agit alors de latrines utilisées par la communauté, ou de manière dispersée, il s’agit alors purement de marquage de territoire. Le Roi (ou mâle dominant) utilise ses glandes anales pour marquer le territoire. Il dépose des crottes particulièrement odorantes pour bien délimiter son royaume et indiquer qu’il est le Roi. Il patrouille régulièrement dans tout le territoire pour corriger et perfectionner son marquage. Plus il a de rivaux, plus il doit patrouiller. Les mâles dominants utilisent aussi un autre type de balisage appelé grattis. Ils creusent de petits trous de 5 à 6 cm de profondeur et déposent des crottes tout autour. Ces marquages participent à la fertilisation du sol grâce à l'azote contenu dans les crottes.
Les lapins utilisent aussi un marquage plus subtil. Ils ont une glande sous le menton qui leur permet de déposer leur odeur en frottant leur menton. Les dominants, en particulier, frottent régulièrement leur menton sur tous les individus. De cette manière, tous les lapins du groupe portent la même odeur et sont facilement identifiables.
La garenne est constituée de plusieurs terriers interconnectés. Le Couple Royal s’installe généralement dans le terrier le plus spacieux et le plus confortable. Les vassaux habitent d’autres terriers plus petits, pouvant même souffrir de défauts de fabrication (trop humide ou mal situé par exemple). Ces terriers sont souvent reliés par un réseau complexe de galeries. La majeure partie, sinon la totalité, du travail de creusage est assuré par les lapines. Ce sont elles aussi qui décident de l’emplacement du terrier et de son agencement.
Une femelle peut creuser une ou deux heures de suite avec acharnement alors que les mâles font souvent preuve de dilettantisme dans ce domaine. Au mieux les mâles creusent quelques minutes, souvent juste en surface. Leurs gestes ressemblent plus à un moyen de se défouler qu'à une réelle intention de creuser. Ils préfèrent assurer les travaux de déblaiement en repoussant la terre vers l'extérieur et en la tassant avec leur pattes antérieures.
Les lapines ont l’obligation de construire une nouvelle chambre pour chaque nouvelle portée pendant la saison de reproduction. Ces nurseries, appelées rabouillères, mesurent au maximum 2 m et peuvent ensuite être reliées au reste du terrier lorsque les lapereaux (4) sont en âge de rejoindre le groupe.
Les lapins s’installent sur un territoire qui répond à leurs trois exigences : une pelouse variée pour s’alimenter, des buissons, ronces et plantes pour se cacher et un sol sec pour creuser. Les terriers sont creusés dans des talus, le sol doit être sec, meuble, profond, bien drainé et sablonneux. Leurs terrains de prédilection sont les ronciers, les haies, les landes, garrigues, les bordures de terres cultivées ou de forêts et les zones côtières. Ils peuvent aussi vivre en zone montagneuse au-dessous de 1400 à 2000 m d'altitude. Ils disposent d’une entrée principale assez grosse, mesurant jusqu’à 50 cm, et de plusieurs autres entrées plus discrètes. L’entrée principale est utilisée essentiellement pour les fuites d’urgence. Elle a la forme d’un couloir. Les autres sont des trous verticaux dans lesquels un seul lapin peut pénétrer.
L’entrée du terrier peut être camouflée avec plus ou moins d’attention. Dans certains cas les lapines tassent bien la terre, pour éviter de laisser un monticule de terre trop visible, puis le recouvrent de débris végétaux.
Les lapins maintiennent une propreté parfaite dans leur terrier. En 4 ans d’observation R.M. Lockley (2) n’a jamais vu de crottes ou d’urine dans les terriers (5). Les lapins ont des toilettes à l’extérieur et font leurs besoins lors des sorties. A l’intérieur, en revanche, ils mangent leurs caecotrophes. Ceci ne signifie pas qu’ils se « retiennent » mais peut s’expliquer par le fonctionnement très particulier de leur système digestif. Lorsqu’ils sortent, les lapins ont faim, ils mangent donc tout ce qui leur tombe sous la dent, en particulier des herbes. Au bout d’une trentaine de minutes, ils sont rassasiés et commencent à devenir plus sélectifs. Ils choisissent alors la nourriture la plus riche en protéines et la plus appétissante. Or les herbes sont composées en grande partie de fibres indigestibles. Ce sont elles qui actionnent le système digestif et produisent les crottes dures. Les autres débris végétaux plus petits et plus riches passent par le caecum et produisent des caecotrophes. Il faut plusieurs heures au système digestif pour produire des caecotrophes, alors qu’il faut peu de temps pour produire des crottes dures. Le lapin produit donc la majorité de ses crottes dures et de l'urine juste après son repas. Lorsqu’il regagne son terrier, il n’a plus qu’à ingérer ses caecotrophes.
Lors de nos observations en bord de mer nous avons pu constater que les lapins appréciaient de creuser leurs terriers sur les côtes protégées du vent, si possible avec vue sur la mer. Ces constructions peuvent mettre en péril les couvées d’oiseaux marins du fait de l’effondrement des sols. Certains oiseaux marins y trouvent tout de même un avantage ; le macareux moine, par exemple, s’installe souvent dans les terriers abandonnés par les lapins.
Par beau temps les lapins se reposent dans des gîtes, sortes de nids cachés par des hautes herbes.
Chaque terrier est occupé par un groupe familial de 3 à 10 lapins en moyenne, mais ce chiffre peut monter à 25. Un groupe familial est composé d’un couple dominant et de jeunes. Le mâle dominant n’est pas monogame, il ne laisse pas les autres mâles s'approcher de sa Reine mais s'autorise quelques infidélités en période de reproduction. Il a aussi une attitude respectueuse envers sa Reine. Si elle n'est pas disposée à s'accoupler, il ne la harcèle pas ; galanterie qu'il oublie vite au contact de femelles inférieures. Ils jouent, dorment ensemble et se toilettent. Un mâle peut aussi avoir des « concubines ». Les jeunes restent généralement dans la cellule familiale jusqu’à la saison de reproduction suivante. Le mâle accepte parfaitement la présence des jeunes dans le terrier. De fin juillet à fin octobre, pendant la période neutre (6), les jeunes dorment blottis contre leurs parents. On peut parler de vie de famille dans le terrier. Autant la vie en dehors du terrier peut être violente et stressante, autant la vie sous terre semble paisible et agréable voire ennuyeuse pour l'observateur.
En janvier la période de reproduction débute et les bagarres entre mâles démarrent, c’est à ce moment que les mâles quittent leur famille pour rechercher des partenaires ainsi qu’un terrier et une zone de pâturage. Les jeunes mâles tentent de prendre la place de mâles plus âgés et mieux placés dans la hiérarchie. Une femelle reste généralement toute sa vie dans la garenne où elle a été élevée, alors que certains mâles peuvent rejoindre un autre groupe de lapins. Ces groupes familiaux cohabitent à distance respectable afin d'éviter les conflits (la distance entre chaque groupe est évaluée à 150 m). L'ensemble de ces groupes familiaux forme un groupe d'une centaine de lapins.
En dehors de la cellule familiale, les relations sociales sont nombreuses. Les femelles peuvent cohabiter au sein d’un groupe familal et se tolérer au sein du groupe social. Au contraire, les mâles peuvent difficilement vivre ensemble s'ils sont adultes et se tolèrent très peu de février à août, même sur un grand territoire. En dehors de la période de reproduction, ils se supportent mais n’ont pas de relations amicales. Tous les lapins du groupe savent qui sont les mâles, qui sont les femelles, qui sont les anciens ou les jeunes, qui sont les dominants, seconds, ex-dominants ou vassaux.
La garenne est gouvernée par un couple dominant, le Roi et la Reine qui forment un couple relativement uni bien que le Roi ne soit pas monogame. En période de reproduction il féconde le plus de femelles possible. Le Roi occupe ses journées en marquant son territoire, en paradant pour montrer sa suprématie et en se battant avec ses jeunes rivaux.
Le Roi exige que ses vassaux se déplacent pour le laisser passer, s’ils le provoquent en restant immobiles, le Roi peut attaquer ou du moins manifester son agacement. Il pourchasse bien souvent l’impudent, mais il peut aussi faire une parade d’intimidation devant lui ou s’approcher tellement près de l’autre qu'il devra se soumettre et partir brouter ou se reposer ailleurs. Il peut aussi gratter le sol comme le font les chiens ou lui envoyer un gros jet d’urine à la figure pour l’humilier. (Attitude très fréquente chez le lapin de compagnie, principalement à l’adolescence). Plus il y a de jeunes mâles adultes, plus le Roi doit être autoritaire s’il veut garder sa place. Plus le territoire à contrôler est grand, plus le Roi est sous pression et manque de temps pour surveiller tous ses rivaux et tout le territoire.
La Reine est souvent la femelle la plus âgée. Elle n’est pas aussi agressive avec ses vassaux que le mâle. A partir du moment où les femelles inférieures ne pénètrent pas sur son territoire, elle les ignore ou les supporte. La Reine occupe une place importante dans la société des lapins, les rois peuvent changer mais la Reine reste la même, elle peut changer de Prince Consort. C’est en quelque sorte une société matriarcale. Les lapines ne s’éloignent pas beaucoup de leur terrier, elles restent ensemble, s’occupent des plus jeunes, grignotent tranquillement autour du terrier, creusent des galeries et font des siestes au soleil par beau temps.
Les dominants sont généralement des lapins de plus grande taille, ayant plus d’assurance et de prestance que les autres. Mais ce n’est pas un statut définitif. Il peut y avoir un roulement, les rois et reines déchus ne s’avouant pas facilement vaincus.
La hiérarchie peut être bousculée au début de la période de reproduction. Les jeunes mâles adultes, vigoureux et sûrs d’eux, vont tenter de prendre la place du Roi. C’est la période des combats, parfois très violents. Le Roi battu est relégué dans un terrier inférieur ou chassé de la garenne. La Reine reste Reine et accepte le nouveau Roi. Il est possible que le Roi déchu regagne son foyer après la saison des amours lorsque les tensions sont passées. Le Roi a le privilège de féconder la quasi-totalité des femelles, rôle qui suscite beaucoup de « vocations ». Les mâles les plus vigoureux font souvent preuve d’insolence et obligent le Roi à utiliser la violence mais globalement la vie de la garenne est assez paisible. Chacun accepte ses limites territoriales et sa place dans la hiérarchie.
Un vieux mâle peut être chassé par de jeunes mâles et mourir, soit des suites de blessures, soit d’épuisement et de faim.
Les dominants disposent des meilleurs habitats, des meilleures zones de pâturage et des meilleurs partenaires. Ces bonnes conditions de vie, contribuent à améliorer leur santé et leur fertilité. Le statut de dominé au contraire est propice aux problèmes de santé et d’infertilité. Les terriers peuvent être humides, ce qui favorise les maladies et peut provoquer le décès des portées suite à une inondation. Ils n’ont pas toujours une alimentation assez riche, surtout si la population de la garenne est importante, ce qui favorise un affaiblissement général pouvant bloquer l’ovulation. R.M. Lockley (2) montre que ces lapins souffrent d’un complexe d’infériorité dû au stress causé par de mauvaises conditions de vie et les attaques des dominants. Les dominants offrent à leurs petits la sécurité d’un bon terrier et la meilleure alimentation, ils ont donc les petits les plus robustes qui deviennent généralement à leur tour des dominants.
Le lapin reste abrité dans son terrier plus de la moitié de son temps (environ 60%), il est donc difficile de l’observer longuement et de deviner ce qui se passe dans le secret de la garenne. Lors de son étude, R.M. Lockley (2) a mis en place un terrier artificiel en partie vitré, mais malgré ce stratagème il n’a pas pu percer le secret de la vie des lapins sous terre. La majorité de ses observations ont eu lieu de jour et en extérieur. Comme vous pouvez le voir sur les photos illustrant cet article, il est cependant possible de croiser des lapins en plein jour, en milieu sauvage, surtout si les prédateurs sont rares. Dans ces cas là, il est même possible de les approcher. Nous avons pu nous asseoir à 4 m des lapins pour les observer.
Les lapins sortent principalement au petit matin et en fin de journée, ainsi que la nuit. Cependant, en été, ils peuvent sortir en plein jour pour prendre un bain de soleil ou se rafraîchir et observer le paysage et le reste du groupe à l’ombre de broussailles. Les activités les plus fréquentes sont : le grignotage, la sieste, l’observation, le toilettage, le marquage de territoire, le creusage, les soins et l’éducation des plus jeunes. S’il n’y a pas de danger visible, le lapin peut passer une heure à se prélasser au soleil, pattes étirées, ou se cacher derrière des buissons pour observer les autres.
Les lapins sont adeptes de la répartition des tâches. Les lapines décident de la zone où installer la famille, prennent en charge la construction du terrier, les soins et l'éducation des portées pendant que les lapins s'occupent de la défense du territoire et de son marquage.
R.M Lockley dans The private Life Of The Rabbit (2) explique page 78 que les lapins ne semblent pas être dérangés par la pluie, même s’ils ne semblent pas non plus particulièrement l’aimer. Ils sortent les jours de pluie pour se nourrir. De même le vent ne semble absolument pas les déranger. Dans le terrier, les lapins se reposent. Le mâle et la femelle dominants dorment dans la chambre la plus éloignée de l’entrée, et donc la plus sûre. (c.f The private Life Of The Rabbit (2) – life underground ). Les activités souterraines se limitent à se câliner, se pelotonner l’un contre l’autre, dormir, faire la sieste, se toiletter et ingérer les caecotrophes. Les plus jeunes sont un peu plus actifs et peuvent faire les fous dans les galeries du terrier. Les mâles ne s’occupent pas des jeunes, c’est le rôle des mères, mais ils ne sont pas agressifs non plus envers ces jeunes fous.
Il est possible d’obtenir des renseignements précis sur l’alimentation du lapin de garenne en observant les zones broutées et les traces d’abroutissement (consommation de broussailles et de jeunes arbres par les animaux sauvages) ainsi qu’en analysant les crottes. On peut y trouver des traces de plus de 60 espèces végétales différentes parmi lesquelles des écorces, herbes, feuillages, ronces, racines et une majorité de graminées. Le lapin est un animal très sélectif sur sa nourriture, en particulier s’il est dominant et a accès à une large sélection de végétaux. Il commence généralement son repas par l’ingestion de graminées (équivalent du foin) riches en fibres indigestibles qui actionnent son système digestif. Il fait ensuite un second repas en sélectionnant les végétaux les plus goûteux et les plus riches en protéines. Le lapin est un fin gourmet qui sait reconnaître les saveurs (sucré, amer, acide etc) s’il a le choix il préfère les saveurs douces (7), il ne se fait donc pas prier pour déguster des fruits et baies sauvages ou cultivées.
Liste des végétaux les plus fréquents dans l’alimentation du lapin de garenne européen :
- Festulolium
- Fétuques rouges
- Brachypodium
- Digitaria
- Dicotylédones (en été lorsque les graminées manquent)
- Luzerne
- Bourgeons (au printemps)
- Mousse (en hiver)
- Jeunes tiges d’arbrisseaux
- Céréales cultivées (au printemps principalement. Lorsqu’ils ont le choix les lapins préfèrent les champs non traités chimiquement)
- Ecorce de feuillus et parfois de conifères (en hiver)
- Argousier
- Bruyères
- Ajoncs
- Baies
- Lichens
- Genêt à balais (lorsqu’ils ne sont pas en fleurs, les fleurs sont toxiques. Ce n’est pas un met de choix il est réservé aux pénuries)
- Ronces
- Arbres fruitiers : pommier, cerisier, pêcher, abricotier, poirier, prunier
Un lapin adulte peut manger entre 250 et 550g de plantes par jour. En broutant ainsi le lapin participe à la préservation des milieux ouverts mais il participe aussi à la destruction de certaines cultures, raison pour laquelle il peut être classé comme "nuisible" dans certaines régions.
Durant la période de reproduction, de février à août, une lapine sauvage peut se reproduire jusqu’à sept fois. Le reste de l’année n’est pas une période de reproduction. Les mâles n’ont plus de libido et on observe une diminution, voire disparition, des testicules (les lapins ayant la capacité de les remonter dans l'abdomen). La maturité sexuelle des lapines se situe vers l'âge de neuf à douze mois mais si elle est née très tôt dans l'année, la lapine peut mettre au monde ses premiers lapereaux vers l'âge de cinq à six mois. Les jeunes mâles ne sont fertiles que vers l'âge de neuf à dix mois. (Attention, ceci n'est valable que pour les lapins sauvages. Chez le lapin domestique, la fertilité est plus précoce et continuelle en raison de conditions de vie plus favorable : alimentation riche, chauffage, absence de prédateurs. Un lapin domestique est fertile dès l'âge de trois mois, les premiers signes de puberté se manifestant vers l'âge de dix semaines).
En moyenne, la femelle élève trois à cinq portées de trois à six lapereaux. La gestation dure vingt-huit à trente jours.
La lapine met au monde ses petits dans une chambre à l’écart qu’elle creuse elle-même et dont elle camoufle l’entrée avec de la terre et des feuilles. La chambre est tapissée de mousse, feuilles et poils. La lapine ne vient voir ses petits que une à deux fois par jour pour les allaiter rapidement. A l'âge de quinze à vingt jours les petits ouvrent eux-mêmes la chambre et commencent à découvrir leur environnement. Ils goûtent leurs premiers végétaux. Leur mère les surveille et les éduque tout en gardant ses distances. Lorsqu’elle perçoit un danger, elle tape des pattes arrière, les petits l’imitent puis vont s’abriter. Les jeunes sont allaités une à deux fois par jour par leur mère pendant un mois et s'émancipent à l’âge de quatre à cinq semaines, lorsque leur mère met bas à nouveau. Ils restent cependant près d’elle. Ils savent sélectionner les végétaux, la caecotrophie a commencé et ils ont appris à rentrer dans le terrier au moindre signe de danger. Ils creusent la rabouillère pour la rendre plus spacieuse et passent leurs journées à jouer, manger et établir la hiérarchie. Dès le plus jeune âge les plus forts écartent les plus jeunes. Plus ils grandissent, plus ils sont à l'étroit dans le terrier et plus la tension monte. A la fin de leur deuxième mois, ils commencent à se disperser dans les chambres secondaires du terrier familial...
La mortalité est très importante (entre 50 et 80%). Leurs chances de survie dépendent en partie de leur mère. Si elle est en mauvaise santé, dispose d’un terrier de mauvaise qualité, mal placé et n’a pas accès à une bonne alimentation, le risque de mortalité pré et post-natale est très élevé. Le terrier des dominés peut être inondé ou facilement accessible aux prédateurs ce qui ne sera pas le cas d’un terrier de dominants. De plus leur petite taille en fait des proies idéales pour les rapaces et petits mammifères.
Les petits de la dernière portée de la saison sont les plus chanceux car ils restent avec leur mère aussi longtemps qu’ils le souhaitent et sont allaités jusqu’à épuisement du lait. Comme leur père n’est plus occupé à assurer la reproduction, ils peuvent faire de longues siestes blottis entre leurs parents.
Les petits ne sont élevés que par leur propre mère, il n'y a pas de système de crêche ou garderie. Si leur mère meurt, ils meurent aussi. Si le terrier est attaqué ou dérangé par des humains, il est abandonné par la mère ainsi que les petits qui y nichent.
Les jeunes adultes qui ne trouvent pas de place dans leur garenne quittent leur territoire à la recherche d'un endroit calme, accueillant, proposant une végétation variée, désert ou déjà habité par des lapins. Ils peuvent aussi s'installer dans des terriers abandonnés par d'autres lapins ou construits par l'homme dans le cadre de programme de réintroduction. Ce sont toujours les lapines qui choisissent l'emplacement du nouveau terrier. Elle choisissent aussi un compagnon avec lequel fonder un nouveau groupe familial.
Le lapin a de nombreux prédateurs : renards, blaireaux, fouines, furets, loups, lynx, coyotes, chiens, chats sauvages, chats domestiques, hermines, belettes, aigles, buses, busards et chouettes.
Les corbeaux, les pies, les corneilles, les rats et les hérissons ne s’attaquent pas aux lapins vivants mais peuvent dévorer des cadavres.
En règle générale ce sont les lapereaux et les lapins les plus faibles qui sont capturés. Les lapins peuvent représenter 50% du régime de leurs prédateurs. De cette manière la nature sélectionne les individus les plus vigoureux de chaque génération.
La myxomatose est un véritable fléau qui frappe chaque année les populations de lapins sauvages d’Europe. Le virus est très présent en France où il a été introduit en 1952. Lors de nos dernières observations nous avons malheureusement découvert de nombreux cadavres ou lapins agonisants (Photos ci-dessous. Île d’Arz –Morbihan Août 2008). Les lapins infectés agonisent de sept à huit jours sans espoir de guérison. La maladie affecte les yeux, rendant le lapin aveugle et incapable de regagner son terrier. La peau, le système respiratoire, les muqueuses et organes génitaux sont aussi touchés. Des myxomes sont visibles sur tout le corps.
Le lapin malade ne cherche plus ni à fuir ni même à se cacher comme vous pouvez le voir sur ces photos.
Le virus est transporté par les insectes piqueurs comme les moustiques ou les puces et par contact direct avec des lapins contaminés ou des cadavres. Il existe plusieurs souches, plus ou moins virulentes. Dans sa forme la plus virulente le taux de mortalité est de 99%. La myxomatose est présente sur tout le territoire français, des bords de mer au bois de Boulogne.
La maladie hémorragique (VHD) fait moins de victimes mais elle est tout aussi redoutable et extrêmement douloureuse. Elle tue rapidement et n'est souvent décelable qu'à l'autopsie. Ce virus n'a même pas besoin d'un organisme vivant pour survivre, il peut se fixer sur des objets ou du foin ce qui le rend très dangereux.
Le lapin européen ou lapin de garenne est la souche de toutes les races domestiques. Au fil des siècles de nombreux lapins domestiqués ont d’autre part regagné la vie sauvage et se sont mélangés aux lapins de garenne, si bien que le lapin de garenne actuel n’est somme toute qu’un cousin des lapins qui partagent nos vies. Il n’y a aucune différence physiologique entre les lapins sauvages et les lapins domestiques, qu’ils soient des lapins destinés à la consommation, à la fourrure, à l’expérimentation ou à une vie de lapin de compagnie. De nombreuses expériences ont montré que les uns comme les autres se comportaient exactement de la même manière lorsqu’ils étaient placés dans un environnement identique (1).
En observant les lapins de garenne, on apprend donc non seulement à s’occuper correctement des lapins domestiques mais aussi à mieux comprendre leur langage et leur comportement parfois déroutant.
Un comportement relique est un comportement instinctif lié à un mode de vie ancien ou sauvage, qui n'a plus d'utilité dans les conditions de vie présentes de l'animal mais qu'il conserve malgré tout. Le lapin domestique n’a pas besoin de creuser un terrier mais il conserve l’instinct de gratter et creuser. Malheureusement ce type de comportement est trop souvent pris pour un trouble du comportement. « Mon lapin gratte », « mon lapin tape des pieds », « mon lapin ronge les meubles », « mon lapin fait pipi partout » sont des phrases qui reviennent souvent et ces comportements aboutissent souvent à la mise en cage définitive du lapin. Il est impossible de supprimer un comportement relique mais on peut le « réorienter ». Un lapin peut apprendre à assouvir ses besoins dans un cadre précis : ronger ses jouets et pas les meubles, gratter son bac à sable et pas le parquet etc. L'éducation du lapin repose bien souvent sur un principe simple : permettre au lapin d'exprimer son comportement naturel dans un cadre permettant une cohabitation lapin/humains réussie !
Un espace vital souvent insuffisant. En visualisant la surface de six terrains de tennis ou d’un terrain de football, on prend conscience de l'étroitesse des cages dans lesquels sont confinés la plupart des lapins d’élevage, de laboratoire ou de compagnie. Ce confinement ne permet pas au lapin d’exprimer son comportement naturel ni de faire suffisamment d’exercice.
Un lapin doit pouvoir se promener, sauter, courir, chercher sa nourriture, recevoir des stimulations via des jeux ou jouets.
Un instinct de marquage très présent. Les lapins de compagnie ont eux aussi cet instinct de marquage, même s’ils sont éduqués à la propreté. Le marquage n’est pas un acte d’hygiène mais une mission de protection et d’information. Un lapin qui marque le salon sait très bien qu’il doit aller dans son bac à litière pour faire ses besoins, pour lui ce sont deux choses bien différentes, même si sur notre moquette la différence est moins évidente !
Le grattage frénétique est un des problèmes rencontré le plus souvent au printemps chez le lapin de compagnie. Il correspond à un marquage de territoire équivalent aux grattis mais il peut aussi être lié à l’instinct de construction de terrier, principalement chez la femelle. Il est difficile d’éviter le comportement de grattage car même si le lapin n’a pas une physionomie d’animal fouisseur son instinct de fouissage est bel et bien vivace. Offrez-lui de quoi gratter sans abîmer votre sol ou votre mobilier : caisse remplie de foin ou de vieux papiers, sortie dans le jardin, bac à sable etc.
Un habitat offrant des possibilités variées : le lapin de compagnie recherche lui aussi le secret et l’obscurité d’un terrier. Ils apprécient les cabanes sombres aux multiples entrées et les endroits cachés (dessous du canapé, arrière des armoires, arrière du frigo etc). Ils aiment aussi les tunnels et les réseaux complexes, facilement réalisables avec un peu de bois ou de carton. Il est important d’offrir au lapin un espace de jeux avec un sol confortable et non glissant et une « chambre » dans laquelle il est possible de s’isoler et de s’abriter du soleil ou de la lumière. Il peut aussi avoir un coin repas ou mieux encore DES coins repas pour exciter sa curiosité.
Un grand besoin de vie sociale : quel que soit leur rang dans la communauté, les lapins ne vivent jamais seuls. Ils ont besoin de compagnie. Les groupes les plus solides sont les couples mixtes ou les « harems » composé d’un couple dominant et de concubines. La cohabitation la plus risquée, car ne correspondant pas aux besoins naturels du lapin, est la cohabitation de plusieurs mâles. Ces lapins doivent être stérilisés pour éviter des portées à répétition non souhaitables dans le cadre de la vie domestique et le harcèlement sexuel inévitable particulièrement entre fin janvier et fin août. Si vous ne pouvez pas offrir un compagnon à votre lapin, il est capital de passer beaucoup de temps avec lui. Le simple fait d’être couché à vos pieds pendant que vous regardez un film apporte un sentiment de bien-être à votre lapin et diminue son stress.
La hiérarchie au centre de la vie sociale : comme chez le lapin de garenne, la hiérarchie est un élément très important de la vie du lapin de compagnie. Des combats en début de cohabitation sont presque inévitables. Ils sont difficiles à supporter d’un point de vue humain mais nécessaires aux lapins pour se tester, s’évaluer et trouver leur place. Une fois la hiérarchie installée, les combats sont rares voire inexistants. Ils peuvent réapparaître au printemps au début de la période de reproduction. Les lapins castrés ne perdent en rien leur instinct de reproduction et ils peuvent être plus nerveux ou excités pendant cette période. Le comportement social du lapin de compagnie est strictement identique à celui du lapin de garenne.
Un rythme de vie qui s’est adapté à celui des humains : la différence majeure entre les lapins sauvages et les lapins domestiques est que petit à petit les lapins domestiques sont passés d’une vie quasi nocturne à une vie crépusculaire puis à une vie diurne. Un lapin en liberté, calque parfaitement son rythme sur celui des humains. Il dort une bonne partie de la nuit et de l’après-midi mais est très actif le matin et en fin de journée. Bien entendu ils ne dorment pas toute la nuit comme nous mais ils ralentissent considérablement leurs activités.
Des expériences ont montré que même remis en liberté, ils conservaient une vie nocturne bien moins active que les lapins de garenne.
Un cycle de reproduction continu : Les lapins domestiques ont un mode de reproduction identique à celui du lapin de garenne à une exception : ils sont fertiles tout au long de l'année et ne connaissent pas de période "neutre". Ceci est dû à l'abondance de nourriture, à l'assurance d'avoir toujours un habitat sûr et des conditions climatiques satisfaisantes. Les lapins de garenne ne se reproduisent pas de fin juillet à fin décembre car la végétation est trop rare et les conditions climatiques sont trop dures. En été si la végétation est rare du fait de la sécheresse le même phénomène se mettra en place. Les lapines feront des fausses couches ou cesseront d'ovuler.
Comme le lapin domestique ne connaît pas de période "neutre" sa stérilisation est capitale pour éviter une surpopulation rapidement ingérable. Les jeunes doivent être sexés et séparés aux plus tard à 3 mois car leur maturité sexuelle est plus précoce, du fait, là aussi, de leurs conditions de vie plus stables.
Une alimentation industrielle inadaptée: le lapin a un système digestif très particulier qui lui permet de tirer parti d’une alimentation pauvre et parfois rare. Lorsqu’il a à disposition une alimentation industrielle très riche, son système digestif sature ce qui provoque de gros problèmes de santé (ralentissement ou blocage du transit, diarrhée, crottes molles chroniques, obésité). Il est primordial de lui offrir une alimentation pauvre et strictement végétale. Le foin et/ou l'herbe doivent représenter 70 à 80% de son alimentation, les 20% restants peuvent être composés uniquement de verdure ou d’un régime équilibré verdure/granulés.
Des prédateurs bien présents même en ville : lorsque les lapins sont en extérieur, ils doivent toujours être sous surveillance ou dans un habitat sécurisé. Les lapins domestiques ont les mêmes prédateurs que les lapins de garenne mais bien souvent c’est tout simplement le chien du voisin qui dévaste un habitat ou enclos trop fragile et tue les lapins. Même les clapiers vendus dans le commerce peuvent être ouverts par un chien ou un renard un peu malin, il ne faut pas hésiter à ajouter un cadenas ou des poids sur le toit.
La myxomatose et la VHD frappent même dans les maisons : même si votre lapin ne sort jamais, les moustiques et puces peuvent entrer et lui transmettre des virus. La seule parade est la vaccination qui est pratiquée 2 fois par an chez un vétérinaire.