Conséquences d'un mauvais apport en calcium
Mise à jour 15/07/2017
« Au secours, mon lapin a du calcium dans les urines ! ». Certains propriétaires de lapins se muent parfois en infatigables traqueurs de calcium après avoir lu un témoignage ou un article traitant des problèmes d’urolithiase. Pourtant, le calcium n’est pas un ennemi. Le lapin, comme tous les mammifères, en a besoin pour modeler son squelette et ses dents. En excès, le calcium peut effectivement être la cause de calculs ou de sable urinaire mais une carence engendre une ostéomalacie non moins dangereuse. La chasse au calcium n’est donc pas la solution. Comme bien souvent, tout est une question d’équilibre !
Le lapin présente un métabolisme du calcium très particulier. Chez la plupart des espèces, la vitamine D3 régule le calcium au niveau de l’intestin. C’est ce que l’on appelle « absorption active ». Chez le lapin, il s’agit principalement d’une absorption passive, c'est-à-dire non régulée par l’intervention de la vitamine D3. Le calcium contenu dans l’alimentation est absorbé au niveau de l’intestin puis passe directement dans le sang. Les reins éliminent ensuite l’excès de calcium via les urines. La fraction de calcium éliminée par les reins est de 45 à 60 % chez le lapin contre 2 % chez les autres mammifères. Ce calcium se présente sous forme de sédiments vésicaux (cristaux de carbonates de calcium en particulier, mais également oxalates de calcium) qui rendent les urines plus ou moins troubles. L’aspect des urines du lapin peut ainsi varier de transparent à trouble et épais, voire boueux, selon la quantité de calcium que le lapin aura évacuée.
La quantité de calcium éliminée est donc directement liée à la quantité de calcium ingérée. Le régime alimentaire des lapins de compagnie étant le plus souvent riche en calcium (granulés et foin à base de luzerne, eau calcaire, ration de verdure peu équilibrée et trop faible…) l’hypercalcémie est très fréquente. La présence d'une grande quantité de calcium dans les urines est d'ailleurs ce qui alerte le plus souvent le propriétaire de lapin. Cependant, si le lapin trie sa nourriture, il peut souffrir non plus d'un excès de calcium mais au contraire d’une carence.
En cas de régime alimentaire trop riche en calcium et/ ou de défaut d’abreuvement, la concentration de calcium dans les urines sera plus importante, ce qui peut entraîner une urolithiase. En dehors du régime alimentaire, d’autres facteurs contribuent à la formation de sable urinaire et de calculs.
L’inactivité et la sédentarité favorisent l’obésité qui est un facteur prédisposant. Le confinement en cage est donc une fois de plus tout à fait déconseillé. Un mode de vie le plus naturel possible entraîne une augmentation de l’exercice physique et de l’activité. D’autre part, la cohabitation avec un congénère suscite une compétition autour du bac à litière qui favorise la miction. C’est souvent le dernier qui urine qui remporte la victoire ! La diurèse est donc améliorée.
Des maladies peuvent également empêcher le lapin d’adopter une position correcte pour uriner, comme une fracture, une entorse, de l’arthrose, une paralysie ou encore une spondylose vertébrale (déformation de la colonne vertébrale). Une douleur utérine ou digestive peut également entraîner une rétention d’urine, et donc de calcium, par peur de souffrir. Chez ces lapins à risque, un régime équilibré en calcium est d’autant plus important.
Le problème le plus fréquent est la formation de sable vésical (ou sablose). Tous les lapins évacuent un jour ou l’autre un peu de sable. Il s’agit alors de l’élimination ponctuelle d’un trop plein de calcium. C’est souvent le cas après un régime enrichi trop soudainement en chou ou en herbes du jardin. Cela ne nécessite pas de consultation chez le vétérinaire en urgence mais doit être surveillé ; par exemple, à l'occasion de la consultation vaccinale. En revanche, si votre lapin a des urines systématiquement sableuses, une visite chez le vétérinaire s’impose. Il est en effet important de déterminer si le lapin élimine bien tout le calcium ou si celui-ci stagne dans la vessie. La radiographie est souvent le premier examen réalisé pour repérer à la fois le sable vésical et les calculs. Une échographie est parfois également nécessaire. Un petit dépôt de sable dans la vessie est normal chez le lapin et peut être évacué naturellement. En revanche, si la quantité de sable est importante, le lapin peut éprouver de grosses difficultés à l’évacuer par les voies naturelles. Une aide médicale, et parfois chirurgicale, est alors nécessaire. Dans un premier temps, il faut favoriser la diurèse par l’exercice physique, une consommation d’eau plus importante en y ajoutant un peu de jus de fruits, et l’arrêt ou la diminution des granulés au profit des végétaux. Un diurétique (Lespedesia®) peut également être prescrit en complément, ainsi qu’un antiinflammatoire. Si la prise de boisson n’augmente pas suffisamment, vous pouvez utiliser une seringue sans aiguille pour administrer de l’eau à votre lapin. Dans les cas les plus graves, l’administration de fluides par perfusion, une vidange manuelle par pression ou un rinçage de la vessie sous anesthésie peuvent s’avérer indispensables. Le second phénomène très fréquent est l’apparition de calculs vésicaux, urétéraux ou rénaux. Le traitement est alors chirurgical car les calculs sont souvent bien trop gros pour être évacués par les voies naturelles. En cas de multiples calculs dans un rein, une néphrectomie (ablation du rein) est possible à condition que le second rein soit en parfait état. Si les calculs sont petits, le rein peut être préservé mais le risque d’insuffi sance rénale n’est pas écarté pour autant. Si le calcul se trouve dans la vessie, une cystotomie (incision de la vessie) est alors réalisée pour l’évacuer le plus rapidement possible. En effet, il faut à tout prix éviter que le calcul se coince à l’entrée de l’urètre et empêche totalement le lapin d’uriner.
En dehors de la présence de sable, plusieurs signes peuvent vous alerter. La miction « goutte à goutte » avec un lapin dont le dos se voûte et change régulièrement de position dans son bac est le plus fréquent. Dans ce cas, le lapin se retient et n’émet pas un jet d’urine assez puissant pour évacuer les cristaux de calcium. On ne retrouve donc pas forcément de sable dans les urines. Le lapin peut également se mettre à uriner n’importe où, à la fois parce qu’il a du mal à se retenir mais aussi pour alerter sur sa souffrance ou son mal-être. Le sable peut irriter la muqueuse vésicale, l’urètre et la peau du périnée, entraînant ainsi des douleurs importantes qui vont favoriser la rétention urinaire. Une infection bactérienne secondaire peut également s’ajouter et provoquer, au contraire, une envie très fréquente d’uriner. Si vous observez un comportement anormal dans le bac à litière, n’hésitez pas à consulter votre vétérinaire. Plus le problème sera traité précocement, plus il sera possible d’éviter la chirurgie.
La carence en calcium entraîne une ostéomalacie. Chez le lapin de compagnie adulte, elle touche principalement les os du crâne et la dentition. Chez la lapine allaitante et le lapereau, dont les besoins en calcium sont plus importants (0.75 % contre 0.4-0.5 %), l’ostéomalacie peut prendre une forme différente. Les membres inférieurs peuvent être touchés et devenir plus mous, voire se déformer. Pour le lapereau, le problème se règle généralement très bien en supplémentant le lapin en calcium sur une courte durée. Pour les lapines reproductrices, en revanche, le problème est souvent bien installé et peut même, parfois, être irréversible.
Chez le lapin de compagnie adulte, les carences affectent essentiellement les os du crâne et les dents. Elles sont partiellement la cause d’une multitude de problèmes dentaires. Bien entendu, d’autres facteurs entrent en compte comme le mode de vie, le type d’alimentation, les traumatismes et le patrimoine génétique, mais des études ont montré un lien entre les problèmes dentaires et une carence en calcium.
Dans un premier temps, on peut observer une dysplasie de l’émail, c'est à dire une altération. Les dents deviennent brunes par endroit. Ce phénomène peut être passager en cas de carence de courte durée (par exemple, à l'occasion d'une maladie pendant laquelle le lapin s’alimente moins bien) et tout rentre alors dans l’ordre assez rapidement. Dans le cas d’une carence régulière, la dysplasie est plus importante et permanente. Les dents peuvent non seulement brunir mais également s’effriter ou ramollir. Cependant, la dysplasie de l’émail peut également avoir une origine génétique et ne pas être liée à l’alimentation. En cas de doute, n'hésitez pas à en parler avec votre vétérinaire.
Dans un second temps, on peut observer des dégâts plus importants sur la dentition et la mâchoire. Le plus souvent ce sont les molaires et prémolaires qui sont touchées et présentent alors des spicules. Ces petites pointes sur les dents, résultat d’une pousse anarchique, peuvent ensuite blesser la joue et la langue, allant jusqu’à provoquer des ulcères. La solution est un parage dentaire sous anesthésie. Toutes les anomalies sont limées pour redonner à la dentition un aspect normal et une bonne occlusion. Les symptômes les plus fréquents sont une salivation excessive, une perte d’appétit allant jusqu’à l’anorexie, une perte de poids et un ralentissement du transit. Les racines peuvent également pousser excessivement et transpercer l’os de la mâchoire.
Les incisives peuvent également être touchées. Elles peuvent se casser, se tordre et blesser le palais, les lèvres ou même le nez. Les symptômes sont les mêmes que pour la malocclusion des molaires et des prémolaires mais on peut y ajouter l’incapacité de récolter les caecotrophes. On peut, dans ce cas, retrouver à l’entrejambe des amas secs de caecotrophes. Une extraction des six incisives doit souvent être envisagée pour redonner au lapin une bonne qualité de vie.
Enfin, dans les cas les plus graves, le lapin peut souffrir d’ostéomyélite (infection de la mâchoire), d’abcès ou d’un écrasement du canal naso-lacrymal. Dans ces cas, la chirurgie est souvent nécessaire pour extraire les dents responsables, cureter les abcès et pouvoir réaliser des soins locaux via une marsupialisation (technique permettant de laisser la plaie ouverte afin de réaliser des soins au siège de l'infection). La prévention De plus en plus souvent, on assiste à une surmédicalisation préventive des lapins de compagnie, qui pousse le propriétaire à restreindre au maximum les apports en calcium ou au contraire à proposer au lapin toutes sortes de compléments alors que son alimentation est déjà parfaitement équilibrée, ou encore une lampe UVB alors qu’il peut avoir accès à un jardin, un balcon ou tout simplement à une fenêtre ouverte ! La prévention doit être faite sur conseil du vétérinaire, pour éviter tout risque de s'avérer néfaste. Un régime équilibré Après un épisode de boue vésicale, la tentation est grande de réduire drastiquement l’apport en calcium. Bien souvent le propriétaire du lapin malade veut tout supprimer : le foin trop riche en luzerne, les granulés, l’eau calcaire et les légumes riches en calcium. Ce n’est bien évidemment pas recommandé. Il est possible d’imposer au lapin un régime très strict sur une très courte période et sur décision du vétérinaire lorsque le lapin se trouve dans une situation critique, mais à moyen et long terme cela entraîne des carences et donc une ostéomalacie. L’inverse est également vrai ; il ne faut pas enrichir en calcium à long terme l’alimentation d’un lapin souffrant d’ostéomalacie car ceci pourrait entraîner une calcification des organes mous, comme les reins.
Du fait de leur métabolisme particulier du calcium, on pourrait croire que les lapins n’ont pas besoin de vitamine D pour garantir la solidité de leur squelette. Ce n’est pourtant pas le cas. Des études ont montré qu’une carence en vitamine D pouvait aggraver une carence en calcium. La vitamine D peut être fournie par l’alimentation mais les lapins ont également besoin des UVB pour synthétiser la vitamine D.
Un accès à l’extérieur est donc très bénéfique aux lapins de compagnie. Pour autant la vie en extérieur n’est pas une garantie car bien souvent les lapins sont confinés en clapiers. Ceux-ci sont même parfois bâchés pour protéger les lapins du froid ou de la pluie. Un tel mode de vie conduit à des carences. Les lapins vivant à l’extérieur ne doivent pas être confinés en clapier. Ils doivent disposer d’une aire d’exercice en libre accès en toute saison.
Les lapins vivant à l’intérieur doivent impérativement avoir accès à la lumière directe du soleil. Si vous disposez d’un jardin ou d’un balcon, autorisez les sorties tout au long de l’année même si vous en réduisez la durée par temps froid. Les sorties peuvent être courtes si elles sont régulières. Il ne s’agit pas de prendre le risque de sortir un lapin pendant des heures sous la neige ou par temps pluvieux. Ceci provoquerait un trop gros choc thermique pour un lapin habitué au confort douillet du salon. C’est pourquoi il faut profiter du moindre rayon de soleil pour proposer une petite sortie hivernale. Bien souvent, le lapin rentre de lui-même retrouver la chaleur de son terrier artificiel. De plus, sous nos latitudes, les UVB atteignant la peau en hiver sont extrêmement rares et ne permettent pas de maintenir un taux de vitamine D suffisant. Ceci explique que les carences soient plus fréquentes en hiver qu’en été. L’organisme doit stocker la vitamine D de mars à octobre et c’est pendant cette période que vos lapins doivent profiter au maximum du jardin ou du balcon.
Si vos lapins n’ont pas cette possibilité, pensez à ouvrir régulièrement vos fenêtres et vos baies vitrées pour faire rentrer les UVB dans votre logement. Si vos lapins prennent un bain de soleil derrière votre baie vitrée, ils ne profiteront pas des bienfaits des UVB car ceux-ci sont bloqués par les vitres. En revanche, si vos lapins ne s’installent pas au soleil lorsque les fenêtres sont ouvertes ce n’est pas un problème. Les UVB rentrent dans la pièce et ne sont pas uniquement dans le « rayon » principal.
Si vos lapins n’ont pas accès à un balcon, vous pouvez être tentés d’investir dans une lampe UVB afin de garantir un apport en vitamine D. L’utilisation de ces lampes à visée préventive et non thérapeutique est très controversée. Certes, une exposition peut être bénéfique mais seulement dans le cas de carence en calcium avérée et d’un réel problème de santé. Un lapin hospitalisé et donc confiné sur une longue période peut en bénéficier ponctuellement, surtout s’il est en période de croissance. Un lapin adulte en bonne santé n’a, lui, aucune raison d’y être exposé. Une supplémentation en vitamine D n’est pas nécessaire non plus. Les apports en vitamine D3 sont évalués à 800 à 1000 UI/kg et peuvent être couverts par l’alimentation. Au dessus de 2000 UI/kg on peut observer une calcification de tissus mous (aorte, reins en particulier) qui peut s’avérer fatale pour le lapin. La vitamine D3 est jugée très toxique en excès chez le lapin et il est tout a fait déconseillé d’en donner sous forme de compléments alimentaires.
L'urolithiase comme les carences en calcium sont au cœur des préoccupations des propriétaires de lapins. Cela les pousse parfois à commettre des excès dans un sens comme dans l’autre. Un mode de vie répondant aux besoins du lapin offre toutes les chances de lui garantir des apports en calcium et en vitamine D adaptés et d’éviter ainsi aussi bien l’urolithiase que l’ostéomalacie. L’article Alimentation du lapin souffrant d'urolithiase vous aidera à trouver l’équilibre alimentaire qui convient à chacun de vos lapins, mais retenez ceci : ne mettez jamais votre lapin au régime pauvre ou riche en calcium sans l’accord de votre vétérinaire car ceci aurait des répercutions dramatiques sur sa santé.